lundi 5 mars 2007

A LA UNE - LE TERRORISME CHEAP

Les coupables ont été longuement flageolés dans les geôles de Gantanamo
(strip de Geluck, calembour de Thom)

PENSEE DE LA SEMAINE

« Un peu de folie est nécessaire pour faire un pas de plus »
Paulo COEHLO

JE TE L'AI DIT

Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'oeil qui devient visage ou paysage
Et le soleil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toutes caresse toute confiance se survivent.

Paul ELUARD, 1929

LE MONDE FANTASTIQUE DE LA SUISSE

LE CINEMATOGRAPHE DU PETIT SAUVAGE : LES FRERES FARELLY

« Mary à Tout Prix », « Fous d’Irène », l’Amour Extra Large », « Deux en Un »…

Quatre films importants dans ma culture cinématographique, et représentatifs d’un style unique et très décalé, que l’on doit à deux frères cinéastes, ayant eu l’audace d’élever la bêtise et l’humour gras au rang d’art cinématographique : Les Frères Farelly.

Le duo, à la fois réalisateur, scénariste et producteur de ses films, impose sa marque de fabrique : un humour potache, volontiers provocateur et vulgaire, qui puise partiellement sa force dans les faiblesses de chacun.

Le handicap intellectuel ou physique est ici traité avec humour (mais pas toujours avec finesse) et aussi beaucoup de tendresse, beaucoup de tolérance, hélas souvent perçue qu’à la deuxième vision des films.

Les Frères Farelly sont à mon sens remarquables car ils sont su dédramatiser des problèmes graves de handicap et filmer la différence de façon à ce qu’à la fin du film, le spectateur qui se considère dans la « normalité » se pose la question : mais qu’est ce que la « normalité » ? Et ainsi, on se rend souvent compte de notre étroitesse d’esprit…

C’est en regardant récemment « Deux en Un », variation comique sur le destin de deux frères siamois (très beau rôle pour Matt Damon) que j’ai eu envie d’écrire un article sur ces deux réalisateur « mineurs « du septième art (oui, bien sûr, ils ne font pas de chefs d’œuvre à proprement parler) à la filmographie plus intéressante qu’il n’y paraît.

Dans « Deux en Un », par exemple, ils mettent en place toute une galerie de personnages déjantés, estropiés, handicapés, des simples d’esprits, des grabataires, des siamois, Cher (la vraie !) et c’est finalement la société et son intolérance qui semble la plus handicapée et insupportable à la fin du film. On rit, beaucoup, et souvent noir, en pensant souvent au comique muet des années 20 (aaah ! Buster Keaton) et on observe avec beaucoup de tendresse les relations étroites et intimes des deux siamois, et leurs galères pour vivre normalement.

Avant cette métaphore sur le double parfait (ou l’ami idéal), les Farelly ont travaillé sur le thème de « l’amour est aveugle » avec le très drôle et touchant « Shallow Hal » (« L’Amour Extra Large » en français, quel titre con) où un homme sous hypnose, jusqu’alors véritable macho ne cherchant qu’à se taper un maximum de minettes, voit soudain la beauté intérieure des filles plutôt que l’aspect physique. Une blondinette obèse mais pleine de qualités humaines devient donc, pour le regard du héros une splendide créature interprétée par Gwyneth Paltrow. Et c’est une succession désopilante de gags et de quiproquos autour de cet amour, incarné par un gros thon pour tout le monde et par une bombe pour le héros épris. La morale de l’histoire, c’est bien sûr que l’amour est aveugle, et que même quand il ne sera plus sous hypnose, le gars restera amoureux de la fille, car le plus important ce n’est pas le physique, c’est bien connu (mais voilà, dans le cinéma américain, royaume des apparences et des bombasses siliconées, c’est assez rare un tel discours).

Ce qui est cool avec les Frères Farelly, c’est que comme c’est souvent un peu gras, ce n’est jamais gnangnan, et pourtant ça parle toujours très justement d’amour.

Dans « Fous d’Irène », par exemple, Jim Carey incarne un schizophrène aux deux personnalités opposées (un flic tranquille et un fou déjanté), et ses deux personnalités dans le même gars sont amoureuses d’Irène et essayent de s’écraser mutuellement pour conquérir la belle. Encore une variation sur un handicap (psychologique cette fois) et sur le thème du double.

Avant « Fous d’Irène », les deux frangins ont sans doute réalisé leur plus gros coup, avec le cultissime « Mary à Tout Prix ». Dans ce film qui met en scène un antihéros looser pas très beau et pas aidé, qui tentera tout pour la fille qu’il aimera, c’est sûr, toute sa vie, les réalisateurs ont brillé par leurs mille ressorts comiques osés et inédits. Qui ne souvient pas du machin du héros coincé dans sa braguette, et qui changera sa vie à jamais, ou du chien hystérique et plâtré ou de Mary, qui se coiffe les cheveux avec un gel un peu spécial ? Ce genre de gag, facilement vulgaire, est en fait devenu culte et inoubliable, tout simplement parce qu’il a été mis en scène avec talent et avec cette tendresse dans la caméra, ce regard doux et décalé qui fait le ton unique du cinéma Farelly.

Une filmographie à découvrir ou redécouvrir, donc, avec, en cerise sur le gâteau, de très belles bandes sons, élaborées avec beaucoup de soin, pour chaque film.

CHRONIQUES SENEGALAISES - SAINT LOUIS

Arriver à Saint Louis du Sénégal, c’est se projeter dans l’Histoire.

Après un trajet à travers la campagne sénégalaise, et ses centaines de baobabs, écrasés de chaleur dans un taxi brousse pris à Dakar (les vieux breaks Peugeot 505, qui se comptent ici par milliers...), la ville apparaît enfin, coincée entre l’Océan Atlantique et le Fleuve Sénégal, particulièrement large à cet endroit. A portée de regard, chatouillant l’horizon, des palmiers poussent fièrement sur le sol mauritanien voisin.

Pour entrer dans le Saint Louis historique, bâti en 1659 par des marins de Dieppe, il faut passer le pont Faidherbe, un pont tournant mythique, belle construction métallique, attribuée à tort à Gustave Eiffel. Ce pont, le seul de la ville, est comme une sorte de cordon ombilical. Avant lui, le seul moyen d’enjamber l’immense fleuve était la pirogue.




Les rues du Vieux Saint Louis sont vivaces et désuètes. De magnifiques bâtisses typiques de l’époque coloniale, avec leurs façades de chaux, leurs doubles toitures en tuile, leurs balcons en bois et leurs balustrades en fer forgé, ponctuent les rues, toutes dessinées au cordeau, et formant ainsi un quadrillage serré tout au long de l’île. La vie citadine y est beaucoup moins étouffante et envahissante qu’à Dakar. Des gamins jouent, des calèches passent (certaines transportant des marchandises, d’autres des touristes), des griots volubiles tentent de vous vendre la moitié des djembés de la ville.

Chaque recoin de la ville semble marqué par le temps, comme une vieille peau tannée. Cela force au respect, on sait que nos pieds foule un sol chargé d’histoire.

Elle fut la première ville fondée par les Européens en Afrique occidentale et devint la capitale politique de la colonie française et de l'Afrique occidentale française, jusqu'en 1902, puis capitale du Sénégal et de la Mauritanie. Elle resta un comptoir de commerce français important jusqu'en 1957.
L'aéroport de Saint-Louis était utilisé par l'aviateur français Jean Mermoz, de 1927 jusqu'en 1936, l'année de sa disparition. Il y atterri pour la première fois le 27 mai 1927. Il dormait toujours dans la chambre 219 à l'Hôtel de la Poste, et cette chambre est devenue un lieu mythique pour les nostalgiques de l'aventure de l'Aéropostale.

Nous avons dormi, pour notre part dans un petit hôtel un peu roots mais charmant, l’Hôtel du Palais, tenu par un autre pilote, moins connu et plus pittoresque, Robert… Robert a la main heureuse pour faire des planteurs mémorables, et c’est tant mieux.

Saint-Louis, l’Aéropostale et la Mauritanie, c’est aussi l’occasion de marcher sur les traces de Saint Exupéry, qui effectua de nombreuses missions dans la région pour l’Aéropostale. « Le Petit Prince » et « Terre des Hommes » sont deux de ses œuvres magistrales dont l’action se situe dans la région.

A Saint Louis, comme dans tout le Sénégal, il y a moyen de se régaler. Gambas énormes et fraîches, dibiterie (viande de mouton ou de poulet grillée au feu de bois), bière fraîche, et… planteur de Robert…
La musique, omniprésente, comme partout en Afrique, offre de belles soirées, comme par exemple un concert d’artistes maliens, ou djembés, kora, balafon, et piano à bois résonnent dans la cour rose d’une vieille esclaverie. A cette occasion, fondu dans un anonymat rassurant, on peut même taper sur un djembé basse le temps d’un morceau, souvenir mémorable, instant musical décalé et finalement authentique, même si les sourires et compliments sont sans doute plus commerciaux que sincères (mais allez savoir, il y a peut-être des Guem qui s’ignorent….)

La région de Saint Louis, c’est aussi une nature grandiose, aride et surprenante… La Langue de Barbarie, lagune de verdure coincée entre l’océan et le fleuve, le Sahel, sec et immense, comme l’éternel chuchotement de l’infini Sahara voisin, et le Parc Naturel du Djoudj, troisième réserve ornithologique mondiale (c’est là que se termine le film « Le Peuple Migrateur »), dont la visite en pirogue vaut définitivement le détour.



Sur 160 km², on se perd alors dans les mangroves, on navigue dans des prairies fluviales vertes comme des champs normands, à l’affût de mille oiseaux (400 espèces recensées dans le parc qui compte, à la meilleure saison (l’hiver français) 3 millions d’habitants à plume), dont des colonies entières de pélicans (souvenir inoubliable : l’odeur, très très forte, qui règne autour des nichoirs des pélicans, ou des milliers d’oiseaux s’entassent), mais aussi des hérons pourpres, des aigrettes, des jacanas, des spatules, des ibis royaux, des cormorans, des marabouts, des poules d’eaux, des martins pêcheurs, des aigles pêcheurs, de nombreux échassiers et plusieurs espèces de canards (entre autres…). On y voit facilement d’immenses varans, ou d’accueillants crocodiles. Les chanceux, peuvent aussi y croiser des chacals, des singes, des hyènes et des gazelles.

Dans ces immensités sauvages, on se sent libres, sereins, on sent nos ailes pousser, et nos cœurs battre, on suit, comme des enfants gâtés, l’itinéraire d’une vie rêvée le temps de quelques instants hors du monde.