lundi 14 novembre 2005

INCIDENTS ET INCENDIES DANS LES BANLIEUES FRANCAISES


Les drames se poursuivent, mais ne se ressemblent pas.....

LA FETE DE LA SAINT MARTIN A PORRENTRUY - DES SUISSES ET DES COCHONS


Il est des traditions locales et séculaires que l'on découvre avec plaisir.

J'habite donc depuis le mois d'août à Porrentruy, dans le canton du Jura, en Suisse.

Oh, ce n'est pas bien loin de la France, la frontière n'est qu'à quinze kilomètres, et pourtant, c'est un autre monde.

Ici, au pays des horlogers, le temps passe, mais on ne sait pas trop où. Il s'écoule lentement, très lentement, il prend soin de garder un pied dans le passé, un autre dans l'avenir, et de laisser Porrentruy entre les deux.

Cette sensation d'intemporalité, dans les murs de cette ville médiévale, est très agréable, voire protectrice...

En France, donc, ces derniers jours, il y a eu deux évènements notoires : l'armistice du 11 novembre, et les voitures qu'on brûle dans les banlieues. Ici, à Porrentruy, l'armistice, on s'en fiche, puisque qu'en Suisse, on ne fait pas la guerre, et les voitures, on ne les brûle pas, on préfère brûler les cochons. Pourtant, à Porrentruy, ville de 7.000 habitants, on dénombre plus de 40 nationalités différentes. Mais jamais de tension. Comme quoi...

Donc, ce week end, on brûlait et mangeait le cochon dans les rues de Porrentruy, car c'était la Fête de la Saint Martin. Des milliers de suisses, de Genève, de Lausanne ou d'ailleurs, et tous les jurassiens expatriés convergent alors vers la cité médiévale pour la plus grosse fête de l'année dans la région.

Cette fête millénaire a pour origine la fin des récoltes et l'arrivée de l'hiver. Pour fêter l'une et parer à la rigueur annoncée de l'autre (il fait froid, en hiver, à Porrentruy), on préparait alors un grand festin, une orgie de bouffe et d'alcool, à laquelle tous étaient conviés.

Le but était de tout manger dans le cochon. Un repas de la St Martin est composé donc de gelée de ménage, de pâté de tête, de museau, de boudin, d'atriaux (sortes de paupiettes de porc), de saucisses, de choucroute, de totché (une gâteau à la crème pour faire passer tout ça) et, bien sûr, d'eau de vie locale, la damassine (à base d'une sorte de mirabelle). Tout ça en UN repas... Autant vous dire que le festin dure des heures et que la gueule de bois dure au moins aussi longtemps. Sans parler du temps à passer à perdre le poids pris lors de ce week end...

Dans les rues de la ville, on trouve alors des attelages tirés par des chevaux, des baudets, des cochons, bien sûr, tout un tas d'artisans locaux, des brocanteurs, des fromagers, des charcutiers.


Un "écriveur public" (sic)vous propose ses services.

Des musiciens soufflent dans ces immense cornes de montagnes, tandis qu'un vieux suisse lance joyeusement en l'air son drapeau helvète.

Un artisan vous offre de l'absinthe , qu'il distille lui même...

Et je rentre alors chez moi, au pied de la forteresse séculaire, dans cette ruelle pavée d'un autre temps, ne sachant plus très bien si nous sommes en 2005 ou au moyen-âge.

Ici, nous ne sommes ni dans l'un ni dans l'autre, nous sommes dans l'Ajoie, une région du Jura suisse, on l'on préfére prendre son temps avant que lui nous prenne.

LE PHONOGRAPHE DU PETIT SAUVAGE - RAY CHARLES "LIVE AT THE OLYMPIA 2000"


S'il n'y avait qu'un disque à retenir dans la discographie de l'immense Ray Charles, je dirai qu'il faut retenir celui là.

Le choix n'est pas facile, et il est motivé par plusieurs raisons.

Ray Charles n'a joué que deux fois, dans toute sa carrière, à l'Olympia. La première fois, en 1960, en plein dans la fulgurante ascension de son succès planétaire. La seconde fois en 2000, pour ses 70 ans, dans l'aube du 3ème millénaire.

C'est un Ray Charles aux cheveux blancs et à la démarche un peu fatiguée qui monte sur scène. C'est un Ray Charles enflammé, possédé par sa musique, qui secouera l'Olympia ce soir là.

Mais ce concert, au délà du fait qu'il ait eu lieu pour les 70 ans du Génius, et qu'il marque ses retrouvailles avec la mythique salle française, ce concert, donc, a vraiment une histoire particulière.

Ray Charles était en tournée en France, et avait d'abord joué à Juan les Pins. De là, il devait prendre l'avion avec son orchestre (une quarantaine de musiciens), ses Raylettes (les choristes), son manager, son producteur, bref, beaucoup de monde.

Seulement, le jour du départ, paf, c'est la grève à Air France, et la plupart des vols sont annulés.
Ray prend alors l'avion avec son manager et les trois musiciens de sa formation de base (guitare, basse, batterie) sur le seul vol sur lequel il reste quelques places, en pensant que le reste de la troupe suivrait plus tard, au pire, le lendemain matin, jour du concert à l'Olympia.

Les voilà donc tous les cinq arrivés à Paris, l'orchestre étant coincé sur la côte à cause de la grève.

Le lendemain, malheureusement, la situation sociale n'a pas évoluée, et Ray Charles apprend que son orchestre est toujours bloqué à 900 kilomètres de l'Olympia et qu'il va probablement falloir annuler le concert.

Et, à 70 ans tous justes révolus, après plus de 50 ans de musique, Ray Charles, qui n'a plus rien à prouver, et qui n'est pas à une scène près, prend alors une décision et un risque surprenant: il décide de maintenir le concert, pour "ne pas décevoir les gens qui sont venus pour le voir".

Après des dizaines d'années de concerts en formation "orchestre et choeurs", Ray Charles décide donc, à quelques heures de son entrée sur scène à l'Olympia, de retravailler avec son bassiste, son guitariste et son batteur, en façon quartet les morceaux arrangés pour être joués en big band.

Et c'est ainsi que, ce soir là, le public a pu découvrir, de la façon la plus innatendue possible, un Ray Charles revenu à ses racines musicales, jouant dans une formation à quatre, telle qu'à ses débuts.

On découvre les grands classiques du répertoire de Ray joués d'une manière pure, simple, et intime, comme dans une cave voûtée d'un petit club de jazz où il n'y aurait que quelques dizaines d'amateurs et autant de bouteilles de bourbon.

On entend la voix épurée, chaude et pleine de nuances du Génius, on devine presque le toucher de ses doigts sur les touches du clavier.

On retrouve la spontanéité d'un quartet qui joue en direct, et parfois, même, ça sent la jam session.

Bref, ce concert à l'Olympia est un concentré de musique pure et claire, de jazz, de blues, de country, de gospel, de rythm n' blues, un bijou innatendu dû à une grève surprise et à l'amour inconsidéré de Ray Charles pour sa musique et son public.

C'est aussi la seule fois, sans doute, dans toute l'Histoire du Mouvement Social en France, qu'une grève aura été d'une quelconque utilité...

PENSEE DE LA SEMAINE

"Le talent, c'est la hardiesse, l'esprit libre, les idées larges."
Anton TCHEKOV

LE CINEMATOGRAPHE DU PETIT SAUVAGE - RAY

Taylor Hackford est un génie, et pourtant, son nom n'est pas encore gravé en lettres de feu dans le classement des meilleurs cinéastes hollywoodiens.

C'est vrai, je suis sûr que personne ne vous répondra "oui" à la question : "tu as vu le dernier Taylor Hackford ?". Allez y, essayez pour voir... Vous vivrez alors cette longue pause silencieuse avant d'entendre la réponse "ben non, c'est qui Taillelord Aqueforde ?"

Et pourtant... Penchons nous sur sa carrière cinématographique, annonciatrice d'un chef d'oeuvre certain. Dans les années 80, il nage dans le peloton des réalisateurs de films "bons budgets-bonne recettes", très stéréotypés, mais de bonne facture, comme "Officier et Gentleman", avec un Richard Gere qui n'avait pas encore les cheveux gris. Puis, dans les années 90, le cinéaste prend le pas sur le réalisateur "simple exécutant" et Hackford signe des oeuvres plus risquées, plus personnelles, démontrant un très bon sens du rythme, une belle direction d'acteur et des envies de message cachées derrière le pur divertissement. Ainsi transforme t'il Al Pacino en Satan dans le très bon "l'Associé du Diable", ainsi dépeint-il les relation ambigües entre l'épouse d'un ingénieur pris en otage par la guérilla d'un fictif pays sud américain et le négociateur qui doit libérer le mari dans l'excellent "Proof of Life - L'échange" (Meg Ryan, Russel Crowe).

Ainsi, après avoir acquis la maturité nécessaire, réalise t'il son chef d'oeuvre avec "Ray", la biographie extraordinaire d'un des plus grands artistes du 20ème siècle.

C'est toujours un pari risqué que de raconter la vie d'un de ses contemporains, d'autant plus que "Ray" a été tourné alors que le vrai Ray était toujours vivant, et qu'il était consultant pour le film.

Le risque majeur de ce genre d'exercices, c'est de quitter l'objectivité de la biographie pour rejoindre la subjectivité du portrait, bref, de ne pas faire un film qui raconte la vie d'une personnalité mais de faire un film qui donne son avis sur la vie d'une personnalité.

Ce risque là est d'autant plus fort car la vie de Ray Charles prête au débat, et on ne peut rester indifférent face à un tel destin, empreint de souffrances, de dérapages, de zones d'ombre, et de beauté.

Et, Taylor Hackford a su raconter Ray Charles sans parti pris, sans jugement, sans larmoiement, sans piédestal.

Il a su s'effacer au profit de l'histoire de cet artiste merveilleux, il a su aussi s'effacer au profit de son acteur, Jamie Foxx, qui est littéralement habité par Ray Charles d'un bout à l'autre de cette bio épique, émouvante, et terriblement musicale.

Terriblement musicale, car on ne peut s'empêcher d'être submergé par une vague d'émotion à chaque fois qu'un morceau commence. On ne peut s'empêcher d'être ému aux larmes et de bouger du pied quand on voit naître "I've got a woman" ou "Hallelujah I love her so", on ne peut s'empêcher de se lever et de danser quand on entend les première notes au clavier de "What I'd said", ou de frissonner à la reconstitution de l'enregistrement de "Georgia on my Mind", avec orchestre à cordes et chorale gospel..

La musique nous habite tout au long des deux heures trente du film, et moi, comme une drogue dont je n'aurais pas été rassasié, je me suis mis un disque de Ray Charles juste après le film, pour prolonger l'effet.

La drogue, justement, comme toutes les zones d'ombre du Génius, ne sont pas éludées dans le film, qui a le mérite d'aller au delà du génie musical. Hackford et Foxx nous montre la douleur de la drogue, le supplice de la désintoxication. Ils nous font partager la douleur de la différence et du handicap. Ils évoquent la vie volage de Ray Charles, et, même si ses 12 enfants ne sont pas évoqués dans le film (sauf à la fin, dans le générique), on voit bien la difficulté de Ray à s'établir avec sa femme "Bee", et le besoin spontané qu'il avait de conquérir toutes les femmes.

"Ray" est un chef d'oeuvre qui raconte la vie de Ray, le génie de la musique noire américaine....


Il suffit de se rappeler que le morceau "What I'd Said" a été créé en pure improvisation, en direct dans un club de jazz où il fallait tenir encore 20 minutes pour finir le set musical que la patron avait payé, pour mesurer un dixième de l'étendue des capacités créatrices de Ray Charles.

Et puis je trouve cette façon de caresser les poignets des filles absolument délicieuse. C'est ainsi que Ray Charles procédait pour savoir si une fille était jolie. Il leur caressait le poignet. Et quand une fille sentait la main de Ray caresser son poignet, elle savait qu'elle était l'heureuse élue qui allait posséder, pendant une nuit, ou plus peut être, le coeur et l'âme de ce chanteur qui rythme toujours ma vie.