lundi 23 avril 2007

A LA UNE - LA DETRESSE DES OURS

Mais que vont-ils devenir ??

SARKOZY ET LE SYNDROME DU BARBECUE

"Confier le pouvoir à Sarkozy, c'est comme organiser une barbecue party en plein été dans le massif de l'Esterel !"


Jacques Chirac, à un de ses proches, fin 2006...

PENSEE DE LA SEMAINE

"Faut rien regretter ... Revendique tes conneries, elles sont à toi. Et surtout, vis à fond. On vieillit bien trop vite. La sagesse, ça sera pour quand on sera dans le trou."
Jacques BREL

LES RESULTATS DU PREMIER TOUR VUS DEPUIS ROISSY CHARLES DE GAULLE...

TOUT CECI EST STRICTEMENT VERIDIQUE.

22 AVRIL 2007 19h59 AEROPORT DE ROISSY CHARLES DE GAULLE

Mon portable sonne.

« Ca y est le compte à rebours a commencé sur TF1 » me dit Jean Marie au téléphone…

« C’est vrai … Quelles sont les tendances ? »

Au moment où je pose cette question, je sens l’attention de mes voisins s’accentuer. Un couple, assis en face de moi, se lève même pour se rapprocher.

C’est alors que le couperet tombe.

Je raccroche le téléphone. Une dame, la cinquantaine bourgeoise, me questionne.

Je réponds. Bayrou ne passe pas, Sarkozy fait plus de 30%, Royal est seconde à 25%.
La dame bourgeoise exulte. Elle me demande le score exact de « Nicolas ». Plus de 30% lui dis-je. Explosion de sourires sur son visage un peu lifté. Elle prend son téléphone et laisse éclater sa joie « Oui … Tu as vu… Plus de 30%... Jamais vu ça depuis Giscard… C’est formidable ! »

Le couple qui s’est levé : deux norvégiens d’une soixantaine d’années, qui rentrent chez eux, après avoir passé quelques jours de vacances dans leur maison de Ploërmel, en Bretagne. Ils sont un peu dubitatifs. « C’est Sarkozy ? » me demande la dame. Je lui réponds oui. Elle se tourne vers son mari et lui explique (j’ai ainsi appris qu’en norvégien, Sarkozy, se dit… Sarkozy…). Il lève les yeux au ciel. « Bad for Europe, bad for Europe ! ». La dame norvégienne m’explique : « Les journaux de Norvège pensent que Sarkozy est très dangereux pour l’équilibre de l’Europe. Ils sont très alarmants… euh alarmistes ».

Il faut dire qu’en Norvège, comme dans la plupart des pays d’Europe du Nord, on est traditionnellement ancré dans la gauche progressiste… On comprend mieux, alors, que Sarkozy fasse frémir au fond des fjords… (poète comme je suis, je n’ai pu m’empêcher de faire une petite allitération en « f » (« f » comme… François !))


« A Ploërmel, tous nos amis ont voté Bayrou », continue mon interlocutrice norvégienne. Ils sont bien ces bretons, quand même…

« C’est comme en Bourgogne », intervient une autre dame, assise à ma gauche, toute plongée dans la lecture du programme 2007/2008 du Théâtre du Châtelet (un beau losange relié en papier glacé violet). « Tout le monde a voté Bayrou … d’ailleurs, c’est sûr qu’il va passer… »

Elle ne semble pas avoir prêté attention à tout ce qui s’est dit auparavant. Je lui fais une petite synthèse… Elle s’effondre…

« Mon Dieu, mais c’est terrible… Ca ne peut être ni Sarkozy, ni Royal… Mais comment c’est possible… »

Elle se précipite sur son portable.

L’autre dame, assise à ma droite, continue son explosion de joie.
« C’est formidable… Il est formidable… Vous savez, on s’y attendait, mais pas à ce point là… C’est un raz de marée … Chirac n’a jamais atteint ce score ! »

Je lui rétorque :
« Moi, je suis déçu. J’espérais vraiment Bayrou (la dame de droite « Aah ! moi aussi ; les norvégiens : « grüte orkljfluh ! ») Non mais franchement, vous ne trouvez pas qu’il fait un peu peur, Sarkozy » (je venais de finir la lecture du dossier « Le Vrai Sarkozy » du dernier Marianne, le journal est posé sur mes genoux, bien en vue)

Elle me répond :
« Vous savez, je vais vous faire une confidence : Sarkozy fait peur parce qu’il dit tout haut ce que les gens pensent tout bas. Mais il a raison, il faut que ça change tout ça ! Il y en a marre du « jemenfoutisme » ambiant, quand même non ? Mais en vrai, je peux vous dire une chose… Je connais Nicolas. Personnellement. Mon beau-frère, le frère de mon mari, travaille à la mairie de Neuilly depuis 10 ans. Et bien je peux vous dire que Nicolas, c’est quelqu’un de très humain. Il n’est pas comme il le montre aux médias. Il est très humain, très gentil… »

Les Norvégiens :
«Juklö minflug hrog » (je crois bien qu’ils avaient changé de sujet depuis)

La dame à ma gauche :
« Oh je suis tellement déçue…

Moi :
« Ah ben moi aussi hein, si vous saviez, j’avais même parié un resto qu’il serait au second tour François… Mais bon, vous savez, c’est quand même lui qui a les cartes en mains… Soit il recentre un peu Sarko, soit il gauchise un peu l’UDF »

Et nous sommes d’accord tous les deux pour dire qu’il vaudrait mieux qu’il humanise Sarko plutôt qu’il royalise l’UDF.

D’ailleurs, la meilleure stratégie de Bayrou, ce serait de dire : « je donne mes voix à qui me fait premier ministre ».

C’est marrant à quel point le style vestimentaire reflète le comportement électoral.

Ces deux dames ont entre 50 et 60 ans.

Madame « sarkosyste » est très bourgeoise citadine, tenue de ville très urbaine, classique, plein de bijoux dorés, maquillage soutenu, parfum sucré, un peu chargé (sans doute du Yves Saint Laurent). Tout en elle reflète une bourgeoisie traditionnelle un peu réac et très aisée.

Madame « centriste », elle, est plus « bourgeoise campagne », élégante, aussi, mais on sent un style plus « country club », plus « bobo ». Elle porte une longue jupe en coton couleur naturelle, un petit gilet, un châle, peu de bijoux, et aucun en métal (sauf une croix dorée en pendentif). On la sent plus ouverte, plus généreuse, elle a sans doute une grande maison en Bourgogne, et elle a tout de la catholique progressiste.

Les norvégiens, eux, sont grands et blonds. Si si.

Derrière le comptoir, deux garçons et deux filles, personnel de l’aéroport et d’Air France. L’un deux, un beur s’écrie « Sarko, c’est trop cool ! », et sa collègue beurette lui répond « Hein mais t’es fou ou quoi ? ». L’autre fille, une hôtesse Air France, vient me voir, plutôt jolie, logues jambes, elle me dit « C’est Sarko et Ségo alors ? » J’acquièse, et elle repart, dépitée, après m’avoir avouée qu’elle aussi avait rêvé de François.

Les quatre derrière le comptoir s’inquiètent d’un coup : « Et le Pen ? »

« Le Pen, il a fait à peine 10% »

Soulagement général. Bien fait pour le vieux con.

C’est sur cette bonne nouvelle que j’embarque, amusé d’avoir vécu cet instantané démocratique et spontané, entre deux avions. Ah, le plaisir infini de la discussion publique …

La chute de Le Pen, c’est au moins une des réussites de Sarkozy : il a braconné sur les terrains du FN, et ça a permis d’enterrer la bête. C’est pas mal. Et de toutes façons, sur ce point, il a raison, Sarkozy : l’immigration, l’identité nationale, et les questions de territorialité ne doivent pas rester des sujets tabous et anxiogènes. Tous les partis doivent aussi s’approprier ces questions et les traiter avec raison et pragmatisme, sans démagogie ou nationalisme enflammé.

Ainsi, au même titre que les Verts se sont dissous dans le paysage politique français puisque l’écologie est passé au menu de tous les partis grâce à Hulot, Le Pen s’est aussi dissous, et ce surtout grâce à Sarkozy.

En regardant le soleil se coucher, tout rougeoyant, je pense aux communistes, eux aussi enterrés. Ce n’est pas trop tôt. Comment peut-on encore évoluer dans un parti nommé « Parti Communiste », en France, en 2007 ? Certes, quand on lit Marx, on peut être séduit par ses idées, nobles, grandes, et généreuses. Mais quand on voit le fiasco des applications du communisme, et les hécatombes dont ce courant est responsable, on peut être soulagé de voir qu’enfin, le PC s’est tu, dans notre beau pays.

François n’est pas passé, et c’est un peu triste. On nous laisse le choix entre Royal et Sarkozy. Et ce n’est pas le meilleur choix.

Mais ces élections ont aussi permis d’enterrer les extrêmismes, de droite comme de gauche, et c’est là une belle victoire de la démocratie et de la république. L'électorat s'est globalement recentré, et ça, c'est une bonne nouvelle.


Satisfait de ce rassurant constat, je profite du vol pour ouvrir mon Fluide Glacial. Sur la couverture, deux poivrots, le nez plein de couperose, au coeur d'un bistro : (le premier) : "ce qu'il faudrait à la tête de l'état, c'est..." (le second) "...UNE CONNE !!!". Très drôle, Fluide !


A lire absolument : le dossier spécial sur Sarkozy du Magazine Marianne N° 521 (semaine dernière)

LE MONDE FANTASTIQUE DE LA SUISSE

pendant ce temps là, en Suisse...