lundi 5 mars 2007

LE CINEMATOGRAPHE DU PETIT SAUVAGE : LES FRERES FARELLY

« Mary à Tout Prix », « Fous d’Irène », l’Amour Extra Large », « Deux en Un »…

Quatre films importants dans ma culture cinématographique, et représentatifs d’un style unique et très décalé, que l’on doit à deux frères cinéastes, ayant eu l’audace d’élever la bêtise et l’humour gras au rang d’art cinématographique : Les Frères Farelly.

Le duo, à la fois réalisateur, scénariste et producteur de ses films, impose sa marque de fabrique : un humour potache, volontiers provocateur et vulgaire, qui puise partiellement sa force dans les faiblesses de chacun.

Le handicap intellectuel ou physique est ici traité avec humour (mais pas toujours avec finesse) et aussi beaucoup de tendresse, beaucoup de tolérance, hélas souvent perçue qu’à la deuxième vision des films.

Les Frères Farelly sont à mon sens remarquables car ils sont su dédramatiser des problèmes graves de handicap et filmer la différence de façon à ce qu’à la fin du film, le spectateur qui se considère dans la « normalité » se pose la question : mais qu’est ce que la « normalité » ? Et ainsi, on se rend souvent compte de notre étroitesse d’esprit…

C’est en regardant récemment « Deux en Un », variation comique sur le destin de deux frères siamois (très beau rôle pour Matt Damon) que j’ai eu envie d’écrire un article sur ces deux réalisateur « mineurs « du septième art (oui, bien sûr, ils ne font pas de chefs d’œuvre à proprement parler) à la filmographie plus intéressante qu’il n’y paraît.

Dans « Deux en Un », par exemple, ils mettent en place toute une galerie de personnages déjantés, estropiés, handicapés, des simples d’esprits, des grabataires, des siamois, Cher (la vraie !) et c’est finalement la société et son intolérance qui semble la plus handicapée et insupportable à la fin du film. On rit, beaucoup, et souvent noir, en pensant souvent au comique muet des années 20 (aaah ! Buster Keaton) et on observe avec beaucoup de tendresse les relations étroites et intimes des deux siamois, et leurs galères pour vivre normalement.

Avant cette métaphore sur le double parfait (ou l’ami idéal), les Farelly ont travaillé sur le thème de « l’amour est aveugle » avec le très drôle et touchant « Shallow Hal » (« L’Amour Extra Large » en français, quel titre con) où un homme sous hypnose, jusqu’alors véritable macho ne cherchant qu’à se taper un maximum de minettes, voit soudain la beauté intérieure des filles plutôt que l’aspect physique. Une blondinette obèse mais pleine de qualités humaines devient donc, pour le regard du héros une splendide créature interprétée par Gwyneth Paltrow. Et c’est une succession désopilante de gags et de quiproquos autour de cet amour, incarné par un gros thon pour tout le monde et par une bombe pour le héros épris. La morale de l’histoire, c’est bien sûr que l’amour est aveugle, et que même quand il ne sera plus sous hypnose, le gars restera amoureux de la fille, car le plus important ce n’est pas le physique, c’est bien connu (mais voilà, dans le cinéma américain, royaume des apparences et des bombasses siliconées, c’est assez rare un tel discours).

Ce qui est cool avec les Frères Farelly, c’est que comme c’est souvent un peu gras, ce n’est jamais gnangnan, et pourtant ça parle toujours très justement d’amour.

Dans « Fous d’Irène », par exemple, Jim Carey incarne un schizophrène aux deux personnalités opposées (un flic tranquille et un fou déjanté), et ses deux personnalités dans le même gars sont amoureuses d’Irène et essayent de s’écraser mutuellement pour conquérir la belle. Encore une variation sur un handicap (psychologique cette fois) et sur le thème du double.

Avant « Fous d’Irène », les deux frangins ont sans doute réalisé leur plus gros coup, avec le cultissime « Mary à Tout Prix ». Dans ce film qui met en scène un antihéros looser pas très beau et pas aidé, qui tentera tout pour la fille qu’il aimera, c’est sûr, toute sa vie, les réalisateurs ont brillé par leurs mille ressorts comiques osés et inédits. Qui ne souvient pas du machin du héros coincé dans sa braguette, et qui changera sa vie à jamais, ou du chien hystérique et plâtré ou de Mary, qui se coiffe les cheveux avec un gel un peu spécial ? Ce genre de gag, facilement vulgaire, est en fait devenu culte et inoubliable, tout simplement parce qu’il a été mis en scène avec talent et avec cette tendresse dans la caméra, ce regard doux et décalé qui fait le ton unique du cinéma Farelly.

Une filmographie à découvrir ou redécouvrir, donc, avec, en cerise sur le gâteau, de très belles bandes sons, élaborées avec beaucoup de soin, pour chaque film.

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