dimanche 1 avril 2007

LE MONDE FANTASTIQUE DE L'OULIPO

En 1960, alors qu’il est dans une période de sa vie où écrire de façon naturelle lui semble de plus en plus difficile, Raymond Queneau, auteur entre autres des "Exercices de style" et de « Zazie dans le Métro » , se voit proposer par François Le Lionais l’idée originale de monter un groupe d’investigation de littérature expérimentale. L’idée fait mouche! Et l’Oulipo est né !


La première réunion eut lieu le 24 novembre de cette année-là. Les Oulipiens étaient au départ au nombre de sept : Raymond Queneau et François Le Lionais, respectivement fondateur et co-fondateur, ainsi que Jean Lescure, Jean Queval, Jacques Duchateau, Claude Berge, et Jacques Bens. Ce petit groupe allait bientôt prendre dans ses rangs un grand nombre d’auteurs reconnus.

Le nom d’Oulipo ne fut adopté qu’un mois plus tard, suite à une intervention de Albert-Marie Schmidt. Le groupe s’était au préalable donné le nom de S.L.E, pour Séminaire de Littérature Expérimentale, mais ce qui devait rendre original leurs travaux était avant tout la Potentialité de l’écriture. La littérature devait devenir explorable au même titre que les mathématiques, puisqu’il était question de chercher tous les modes d’expressions et toutes les manipulations possibles applicables à l’écrit. Le but de l’Oulipo était de découvrir des structures nouvelles et leur donner des exemples, tout en ne possédant jamais le titre de travail mais au contraire de distraction!



Voici selon eux même, quelques contraintes et manipulations qu’il est possible de s’imposer :




L’ANNAGRAMME:
Il consiste à mélanger les lettres d’un mot ou d’une phrase afin d’en donner un sens tout autre.
Exemple : éternité > étreinte (Montherlant)

LE LIPOGRAMME :
Il consiste à choisir une lettre et décider de ne jamais l’utiliser dans le texte que l’on écrit. Un des livres les plus représentatifs de cette contrainte est "La disparition" de George Perec : vous n’y trouverez pas de lettre « e »!

LE BEAU PRESENT / LA BELLE PRESENTE:
Il consiste à écrire un poème en n’utilisant que les lettres présentes dans un nom précis. C’est souvent une dédicace à la personne dont le nom est utilisé.
Exemple :
Alpha réel
Rare phare
Elle appelle
Elle pare

LE PALINDROME :
C’est le nom donné aux mots ou aux phrases identiques si elles sont lues de droite à gauche ou de gauche à droite. Du plus simple « non » et « ressasser » jusqu’au: « Tu l’as trop écrasé César, ce Port Salut »

L’HOMOPHONIE :
Elle consiste à écrire deux phrases avec des mots différents, mais qui sont phonétiquement identiques.
Exemple: « Un bon appartement chaud » devient « Un Bonaparte manchot ».

LA LITTERATURE DEFINITIONNELLE :
C’est l’art de remplacer un mot par sa définition, de manière de plus en plus spécifique et original. De telle sorte qu’une phrase toute bête comme : « Un chat boit du lait » pourrait devenir : « Un petit mammifère familier à poil doux, aux yeux oblongs et brillants, et aux oreilles triangulaires effectue l’action de boire un liquide nutritif blanc et crémeux riche en lactose. »

LE PORTRAIT ROBOT :
Il consiste, à l’aide d’expressions toutes faites, de faire le portrait d’une personne, d’un corps de métier etc..
Exemple:
Le Faussaire
Faux visage
Faux cil
Faux nez
Faux sens
Faux bras
Faux doigt
Faux cul

LES FILIGRANES :
Il s’agit de choisir dans un dictionnaire un ensemble d’expressions se composant tous d’un même mot. Retirer ce mot. Construire un court poème avec ce qu’il reste.
Exemple: « Grande trotteuse, petite aimantée, le chas à tricoter. » (l’aiguille)

LE POEME DE METRO :
Qu’est ce qu’un poème de métro.
J’écris de temps à autre des poèmes de métro, ce poème en est un.
Voulez vous savoir ce qu’est un poème de métro?
Admettons que la réponse soit oui voici donc ce qu’est un poème de métro.
Un poème de métro est un poème composé dans le métro pendant le temps d’un parcours.
Un poème de métro compte autant de vers que votre voyage compte de stations moins un.
Le vers est composé dans votre tête entre les deux premières stations de votre voyage.
Il est transcrit sur papier lorsque la rame s’arrête à la station deux.
Le deuxième vers est composé dans votre tête entre les stations deux et trois de votre voyage.
Il ne faut pas transcrire lorsque la rame est en marche.
Il ne faut pas composer lorsque la rame est arrêtée.
Le dernier vers du poème est transcrit sur le quai de votre dernière station.
Si votre voyage impose un ou plusieurs changements de ligne le poème comporte deux strophes ou davantage.
Si par malchance la rame s’arrête entre deux stations c’est toujours un moment délicat de l’écriture d’un poème de métro.
(Jacques Jouet)

LE POEME DE BISTRO :
Le principe est identique au poème de métro. On compose entre deux verres ; on transcrit avant que le coude ne démarre au prochain verre. Si on change de place on change de strophe.

Attention la composition du poème de bistro fait vite tourner la tête…

Voilà quelques exemples qui montrent que la littérature et l’écriture sont de formidables terrains de jeux et de libertés. Les mots sont fous, les mots peuvent tout. Jouons avec !

Comme la musique et ses 8 notes, l’écriture et ses 26 lettres permet toutes les audaces, toutes les créations, tous les délires, tous les styles, toutes les déclarations.
L’Oulipo existe encore, voici l’adresse du site : www.oulipo.net

"C’est en écrivant qu’on devient écriveron !" (Raymond Queneau)

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