dimanche 27 mai 2007

LE CINEMATOGRAPHE DU PETIT SAUVAGE : "MY BLUEBERRY NIGHTS" DE WONG KAR WAI

On rentre dans le film « MY BLUEBERRY NIGHTS » comme l’héroïne, interprétée par Norah Jones, rentre dans le petit resto chaleureux tenu dans le film par Jude Law… Confiant, apaisé, adouci…

Dès les premiers instants du film, on sent un bien-être chaleureux nous envahir, comme Norah Jones, humant la douce odeur des tartes à la myrtille concoctées par Jude Law…

Et, comme Norah qui croque avec gourmandise ces pâtisseries douces et sucrées, nous dégustons le film, doux et sucré lui aussi, au risque même, parfois, d’être hélas un tantinet indigeste…



« MY BLUEBERRY NIGHTS » est ainsi l’exemple parfait de l’américanisation d’un style cinématographique. Dès qu’un cinéaste non américain se lance dans un projet « 100% US », son œuvre hérite de tous les défauts de la machine hollywoodienne, tout en préservant, tant bien que mal, ses qualités intrinsèques.
Nombre de cinéastes français, britanniques, ou asiatiques ont ainsi franchi le pas, avec plus ou moins de bonheur. Wong Kar Waï l’a franchi aussi, osant proposer son œuvre US en ouverture du 60ème Festival de Cannes. Pari osé pour celui qui en fut récemment le Président du Jury, et qui a déjà ébloui la Croisette avec « 2046 » et « In The Mood For Love ».

« MY BLUEBERRY NIGHTS » raconte l’histoire d’une fille au cœur brisé qui cherche le réconfort au cœur des tartes à la myrtille du restaurateur du coin. Les deux protagonistes, aux blessures vivaces, se cherchent, se découvrent, se frôlent, s’effleurent, et, parfois, le spectateur sent bien que l’un et l’autre auraient quand même bien envie de passer à l’étape suivante de cette relation naissante propice à guérir les blessures du coeur (l’étape juste après la fin de la tarte aux myrtilles…). Mais la fille, trop blessée, décide de partir sur les routes pour trouver les réponses nécessaires à la guérison de son cœur. En chemin, travaillant dans divers bars, elle croise des personnages aux destins blessés, touchants et pittoresques, qui l’aideront à répondre à ces deux questions capitales : « pourquoi l’amour » et « pourquoi fait-il souffrir».

Wong Kar Wai sait toujours aussi bien effleurer l’intimité de ses personnages, et peindre tout en finesse, tout en subtilité, les blessures, les joies, les peurs et les espoirs de chacun. La solitude, le désir, la quête de l’amour, l’infidélité, l’absence, sont des thèmes récurrents dans la cinématographie de ce grand artiste, et nous retrouvons bien tous ces thèmes dans son nouveau film.

De plus, il a réussi à réunir à casting parfait, beau, et touchant. Norah Jones est magnifique, et joue vraiment très bien, Jude Law a une classe incroyable (comme d’habitude), et les seconds rôles sont inattendus et de grande qualité (Nathalie Portman en accro du poker, Rachel Weisz en épouse frivole et blessée…)

Mais il s’embourbe un peu dans un sentimentalisme sensationnel « à l’américaine », qui laisse un petit goût trop chargé aux vrais fans des heures asiatiques du réalisateur. Trop de musique, trop d’effets visuels (ah la la il a du s’endormir sur la touche ralenti, le monteur), et l’inévitable happy-end hollywoodien…

Qu’à cela ne tienne, quand on aime le romantisme élégant et décalé, on ne peut qu’être fan de ce film très bien dirigé, très bien filmé, et d’une finesse exemplaire malgré ses petits défauts formels, sans doute liés au cahier des charges US que Wong Kar Wai a du respecter… Et il donne quand même au cinéma contemporain une des plus belles scènes de baiser qui soit... Extraordinairement bien filmée, poétique, délicate, sensuelle, envoûtante...


Sans mériter la Palme d’Or (et pourtant il court après, le Wong…), je pense que « MY BLUEBERRY NIGHTS » aurait bien mérité le prix d’interprétation féminine pour la précieuse et surprenante Norah Jones, déjà très bonne chanteuse, et maintenant très bonne actrice. Mais les jurées ont préféré Jeon Do-yeon, héroïne de "Secret Sunshine" de Lee Chang-dong, dans un palmarès qui consacre globalement les talents inconnus aux stars confirmées du festival (la palme d’or ayant été décernée au cinéaste roumain Christian Mungiu pour « 4 mois, 3 semaines, 2 jours », snobant ainsi les Coen, Tarantino, Kusturica, et …Wong Kar Wai, qui décidément, loupe toujours la palme…).

La semaine prochaine, découvrez la critique exclusive de « Triangle », un film hallucinnant signé par trois énormes réalisateurs chinois : Ringo Lam, Johnnie To, et Tsui Hark…

« MY BLUEBERRY NIGHTS », de Wong Kar Waï, avec Norah Jones & Jude Law, sortie le 28 novembre 2007

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