lundi 14 novembre 2005

LE CINEMATOGRAPHE DU PETIT SAUVAGE - RAY

Taylor Hackford est un génie, et pourtant, son nom n'est pas encore gravé en lettres de feu dans le classement des meilleurs cinéastes hollywoodiens.

C'est vrai, je suis sûr que personne ne vous répondra "oui" à la question : "tu as vu le dernier Taylor Hackford ?". Allez y, essayez pour voir... Vous vivrez alors cette longue pause silencieuse avant d'entendre la réponse "ben non, c'est qui Taillelord Aqueforde ?"

Et pourtant... Penchons nous sur sa carrière cinématographique, annonciatrice d'un chef d'oeuvre certain. Dans les années 80, il nage dans le peloton des réalisateurs de films "bons budgets-bonne recettes", très stéréotypés, mais de bonne facture, comme "Officier et Gentleman", avec un Richard Gere qui n'avait pas encore les cheveux gris. Puis, dans les années 90, le cinéaste prend le pas sur le réalisateur "simple exécutant" et Hackford signe des oeuvres plus risquées, plus personnelles, démontrant un très bon sens du rythme, une belle direction d'acteur et des envies de message cachées derrière le pur divertissement. Ainsi transforme t'il Al Pacino en Satan dans le très bon "l'Associé du Diable", ainsi dépeint-il les relation ambigües entre l'épouse d'un ingénieur pris en otage par la guérilla d'un fictif pays sud américain et le négociateur qui doit libérer le mari dans l'excellent "Proof of Life - L'échange" (Meg Ryan, Russel Crowe).

Ainsi, après avoir acquis la maturité nécessaire, réalise t'il son chef d'oeuvre avec "Ray", la biographie extraordinaire d'un des plus grands artistes du 20ème siècle.

C'est toujours un pari risqué que de raconter la vie d'un de ses contemporains, d'autant plus que "Ray" a été tourné alors que le vrai Ray était toujours vivant, et qu'il était consultant pour le film.

Le risque majeur de ce genre d'exercices, c'est de quitter l'objectivité de la biographie pour rejoindre la subjectivité du portrait, bref, de ne pas faire un film qui raconte la vie d'une personnalité mais de faire un film qui donne son avis sur la vie d'une personnalité.

Ce risque là est d'autant plus fort car la vie de Ray Charles prête au débat, et on ne peut rester indifférent face à un tel destin, empreint de souffrances, de dérapages, de zones d'ombre, et de beauté.

Et, Taylor Hackford a su raconter Ray Charles sans parti pris, sans jugement, sans larmoiement, sans piédestal.

Il a su s'effacer au profit de l'histoire de cet artiste merveilleux, il a su aussi s'effacer au profit de son acteur, Jamie Foxx, qui est littéralement habité par Ray Charles d'un bout à l'autre de cette bio épique, émouvante, et terriblement musicale.

Terriblement musicale, car on ne peut s'empêcher d'être submergé par une vague d'émotion à chaque fois qu'un morceau commence. On ne peut s'empêcher d'être ému aux larmes et de bouger du pied quand on voit naître "I've got a woman" ou "Hallelujah I love her so", on ne peut s'empêcher de se lever et de danser quand on entend les première notes au clavier de "What I'd said", ou de frissonner à la reconstitution de l'enregistrement de "Georgia on my Mind", avec orchestre à cordes et chorale gospel..

La musique nous habite tout au long des deux heures trente du film, et moi, comme une drogue dont je n'aurais pas été rassasié, je me suis mis un disque de Ray Charles juste après le film, pour prolonger l'effet.

La drogue, justement, comme toutes les zones d'ombre du Génius, ne sont pas éludées dans le film, qui a le mérite d'aller au delà du génie musical. Hackford et Foxx nous montre la douleur de la drogue, le supplice de la désintoxication. Ils nous font partager la douleur de la différence et du handicap. Ils évoquent la vie volage de Ray Charles, et, même si ses 12 enfants ne sont pas évoqués dans le film (sauf à la fin, dans le générique), on voit bien la difficulté de Ray à s'établir avec sa femme "Bee", et le besoin spontané qu'il avait de conquérir toutes les femmes.

"Ray" est un chef d'oeuvre qui raconte la vie de Ray, le génie de la musique noire américaine....


Il suffit de se rappeler que le morceau "What I'd Said" a été créé en pure improvisation, en direct dans un club de jazz où il fallait tenir encore 20 minutes pour finir le set musical que la patron avait payé, pour mesurer un dixième de l'étendue des capacités créatrices de Ray Charles.

Et puis je trouve cette façon de caresser les poignets des filles absolument délicieuse. C'est ainsi que Ray Charles procédait pour savoir si une fille était jolie. Il leur caressait le poignet. Et quand une fille sentait la main de Ray caresser son poignet, elle savait qu'elle était l'heureuse élue qui allait posséder, pendant une nuit, ou plus peut être, le coeur et l'âme de ce chanteur qui rythme toujours ma vie.






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